Débuts de l’État féodal centralisé (dynastie Lý)

Faute d’héritier, le pouvoir passa aux mains du haut mandarin Lý Công Uẩn. Contrairement aux trois dynasties précédentes, qui avaient été marquées par les guerres et les constantes tentatives de la Chine de reprendre le Vietnam et de le réintégrer à son empire. Le plus grand souci des premières dynasties vietnamiennes étant donc de s’assurer de conserver l’indépendance vietnamienne si durement acquise, ils ne purent se concentrer sur beaucoup d’autres aspects. Ce fut lors des dynasties suivantes que les souverains amenèrent beaucoup de changements à l’administration du royaume.

La dynastie Lý, qui débuta en l’an 1009, innova dans plusieurs domaines. Bien sûr, comme les dynasties qui l’avaient précédée, l’administration Lý avait la protection de l’indépendance nationale à cœur. C’est pourquoi dès l’an 1010, Lý Thái Tổ (nom de règne de Lý Công Uẩn) procéda au transfert de la capitale; tandis que ses prédécesseurs siégeaient à Hoa Lư depuis 968, l’empereur Lý décida de relocaliser la capitale et de l’installer à Thăng Long (ancien nom de Hà Nội). Hoa Lư était recluse dans les montagnes et loin des grandes voies de communication; la développer à son plein potentiel était donc tâche difficile. Une fois la capitale déménagée, il fut plus facile pour les souverains de travailler à améliorer l’état du pays. L’auteur Lê Thành Khôi écrit :

« Avec la dynastie des Lý (1010-1225), la monarchie se consolide grâce à l’institution d’une administration à peu près régulière et centralisée, dotée d’une fiscalité, d’une justice, d’une armée nationale, la création d’un réseau de voies de communication, le développement de l’agriculture par de grands travaux hydrauliques, la construction de digues et le creusement de canaux. »

Statue du roi Lý Thái Tổ au jardin Ly Thai To, à Hanoi

On dénote vraiment une volonté de prise en charge sérieuse du pays par la dynastie Lý. Le pays fut divisé en vingt-quatre provinces; chacune d’entre elles était dirigée par un membre proche de la famille royale. On s’assurait ainsi à la fois d’exercer un contrôle sur l’ensemble du territoire, mais aussi de s’assurer que le pouvoir reste bel et bien au sein de la famille royale.

Le Vietnam sous les Lý était féodal. Il existait plusieurs types de terres sur le territoire, certaines qui appartenaient à l’État, d’autres qui appartenaient à des seigneurs où travaillaient leurs serfs, d’autres étaient des terres communales. Les Lý, tous comme leurs successeurs, attachaient une grande importance à l’agriculture; elle était l’activité économique la plus importante. Le souverain encourageait tous ses sujets à travailler la terre. Il poursuivit la tradition qu’avait instaurée Lê Đại Hành, qui régna de 980 à 1005, selon laquelle le souverain devait labourer une parcelle de rizière, non pas seulement à titre symbolique mais aussi incitatif.

La dynastie Lý fut aussi marquée du rayonnement d’un autre aspect très important de la vie vietnamienne, la religion. En effet, le bouddhisme connut son apogée sous le règne des Lý. Lý Thái Tổ, le premier des Lý, avait été intronisé grâce à l’appui du moine Van Hanh; lui et ses successeurs s’assurèrent donc de donner au bouddhisme une place notable dans les affaires du palais. En effet, les bonzes avaient le rôle de conseiller les rois. Cette importance du bouddhisme est encore visible de nos jours de par la présence de nombreuses pagodes construites sous la dynastie Lý.

Pagodes de Diên Hựu

Parallèlement au bouddhisme, on assiste aussi à un essor progressif du confucianisme. Il faudra attendre la prochaine dynastie, celle des Trần, pour voir le confucianisme arriver au premier plan et éclipser le bouddhisme. Toutefois, on peut dénoter une croissance de l’influence de la doctrine confucéenne dès les Lý. En effet, en 1070, Lý Thái Tổng, deuxième empereur Lý, fit ériger le Văn Miếu, temple de la littérature dédié à Confucius. Cinq ans plus tard, en 1075, les premiers concours mandarinaux firent leur apparition. Ces examens étaient obligatoires pour quiconque voulait accéder à un poste de la fonction publique, en autant que les postulants soient issus de l’aristocratie. Le corpus de l’examen comprenait non pas seulement les enseignements de Confucius, mais aussi ceux du bouddhisme et du taoïsme.

Văn Miếu

La dynastie Lý connut une fin progressive. L’empereur Lý Cao Tổng ne pensait qu’à ses petits plaisirs personnels. C’est pourquoi lorsque le royaume commença à en être sérieusement affecté (surtout économiquement), des chefferies commencèrent à émerger; elles se proclamaient indépendantes de l’empire. Le clan Trần gagna en puissance par l’entremise d’un mariage entre cette famille et la famille royale. Faute d’héritier mâle, la petite Lý Chiêu Hoàng, qui n’avait que sept ou huit ans, hérita du pouvoir. Elle fut forcée d’abdiquer en faveur de son mari, Trần Cảnh, en 1226. C’est ainsi que, deux cent seize ans après sa fondation par Lý Thái Tổ, la dynastie Lý prit fin. 

C’est vraiment avec cette dynastie que l’on commence à voir l’apparition d’un véritable État qui se soucie non pas seulement de l’aspect militaire et de la protection de l’indépendance, mais aussi des aspects économiques, sociaux et culturels de la vie de ses habitants. C’est aussi durant cette dynastie que fut initié le mouvement du Nam tiến, la descente vers le sud.

Sources bibliographiques :
DEVILLERS, Philippe. « Vietnam », Enyclopædia Universalis, [En ligne] URL: http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/vietnam (consulté le 12 janvier 2013).

MASSON, André (1960). Histoire du Vietnam, Paris, Presses universitaires de France, pp. 20-22.

NGUYEN, Khắc Viện (1993). Vietnam, une longue histoire, Hanoi, The Gioi, pp. 31-66.

LÊ, Thành Khôi (1992). Histoire du Vietnam des origines à 1858, Paris, Sudestasie, pp. 138-201.